En présentant son étude, tant attendue, sur la classe moyenne au Maroc, le Haut Commissaire au Plan (HCP) ne «s’est pas voilé la face», il reconnaît lui-même, la subjectivité statistique de cette étude qui présente plus de risque pour les prises de décisions étatiques que de réponses scientifiques pour les universitaires, plus d’hypothèses sur la mobilité sociale des classes moyennes, que de certitude sur sa production sociale,

Il a aussi plus de subjectivité certaine des statistiques que d’objectivité incertaine, plus d’une «lutte des places individuelles» qu’une «lutte des classes collectives», plus une classe de moineaux, qu’une classe d’oiseaux rares d’intellectuels, plus une classe de vautours consommateurs qu’une classe de faucons prédateurs du pouvoir. Le concept de «classes sociales» du HCP est-il une réalité politique ou fiction subjective au Maroc ? Telles sont les questions que l’on va justifier ?

Bien que l’étude a le mérite d’être «un construit provisoire» pour un débat de société en période des élections communales pour le Maroc, elle a joué les trouble-fêtes, comme un pétard mouillé, lors de ce moment symbolique des actes de vote pour le changement et l’orientation politique du pays.

L’analyse de l’approche méthodologique sans objectivité scientifique laisse prévoir l’analyse subjective externe de ses résultats trop exploitables aussi bien par les politiques que les universitaires. Comme le dit un humoriste anglais, «les statistiques relevées c’est comme une minijupe, elle cache l’essentiel». Le HCP a essayé de torturer les chiffres pour les faire parler, mais sans méthode, point de résultat et point de salut.

Il a le mérite d’avoir posé une problématique d’une classe moyenne plus consommatrice que productive, plus empreinte d’un esprit salarial, que héritière d’un esprit entrepreneu- rial, plus un débat politique en période électorale, qu’un débat scientifique d’une étude de valeur scientifique.

En effet, d’une manière générale, dans les PVD relativement peu industrialisés par rapport aux pays à l point de la technologie, le protectorat avait mis en place des structures génératrices des classes sociales, tout en freinant l’éclosion et la formation d’une bourgeoisie locale conquérante du pouvoir qui, pour des raisons d’intérêt économique, est en mesure de renverser les structures protectorales.

Le concept de «classes sociales» est-il une réalité historique ou une fiction politique subjective au Maroc ? Dire que la notion de «classes sociales moyennes» existe au Maroc, est une notion en empruntant les approches de Lukacs et Gurvitch qui pensent que dans les PVD la notion de classes sociales est une réalité politique, non comme un fait sociologique, mais la notion correspond bien à une nécessité logique de subjectivité statistique du HCP qu’à une vision objective de la classe moyenne en termes de rôle, de statut, de reproduction d’une conscience de son existence, de son appartenance politique à une idéologie politique, de sa situation et sa position de classe, du degré et de son poids participatif à la démocratie, de son abstentionnisme politique.

Or, il ne reste au HCP que la fiction subjective de l’utilisation des statistiques empiriques nominalistes, contraires à la démarche réaliste des sociologues. C’est ce qui fait dire à notre regretté Pr Raymond Aron, que les théories nominalistes tendent à faire de la classe, définie à priori, un élément de n’importe quelle structure sociale tandis que la théorie réaliste sociologique (celle de Marx, Gurvitch, Aron), ne l’attribue qu’à un certain type de société, structurée par l’industrie et par la démocratie pluraliste.

La fiction subjective donne du n’importe quoi à cette approche nominaliste, parce qu’une classe moyenne, rattachée à des notions du marketing direct sur le comportement de sa consommation, sur le nombre de mariages endogamiques de cette classe sociale, sur sa position sociale dont dépend la stratification des revenus par famille. L’inconvénient de ses approches nominalismes que l’on reproche aux statisticiens pour crédibiliser et valider cette notion non définie de la Classe moyenne par le HCP Maroc.

L’utilité scientifique du concept de classe sociale tend à être écartelée entre le réalisme politique et la fiction du nominalisme pour dissoudre les conflits de «Lutte de classes» au profit de «lutte des places» au profit de sa consommation, son endettement, son comportement ; de sa catégorisation socioprofessionnelle en tant qu’entité nominalisée, de ses besoins scolaires pour faire sortir ses enfants de cet état intermédiaire (où cette classe sociale n’est pas satisfaite du service public), de la «démocratie sans peuple» ( où elle exprime son mécontentement politique par l’absentéisme).

Elle est aussi défavorisée par la pression fiscale de l’IGR et surtout la ponction directe des salaires de base. La nouvelle hiérarchie qui, de par son rôle et sa fonction sociale élastique et extensible, va créer une nouvelle classe moyenne, stratifiée par des conflits d’intérêts de pression fiscale, de conflits syndicaux des employés des banques et des assurances,

Des tensions politiques avec les nouveaux riches, le prestige des professions libérales, les rentes de situations, les privilèges des agréments de transport et des taxis, le conflit des nouveaux diplômés, le prestige des nominations à la haute fonction publique banalisée et non méritée, sans compétence particulière et sans diplôme universitaire, etc.) sont en compétition et produisent des situations diverses dans différents milieux de la société marocaine.

On n’a que la politique des villes des ingénieurs-technocrates et des hommes politiques (députés) que l’on mérite au Maroc, grâce ou à cause de cette nouvelle «démocratie sans peuple» (démocratie des nomades politiques et de la classe moyenne abstentionniste qui prend conscience) qui n’englobe pas les meilleurs universitaires ).

En conclusion, la notion de classe sociale est indissolublement liée à celle de la stratification au sens de la sociologie fonctionnelle des USA ; Par contre, Marx a insisté sur «les classes sociales» en distinguant fondamentalement le sens économique du «portemonnaie» (fortune et revenu), de l’aspect sociologique en tant que force et prise de conscience de classe révolutionnaire).

La classe sociale qui n’est pas une catégorie socioprofessionnelle, mais une insertion dans la lutte par la prise de conscience de ses propres intérêts de classe (à travers la pression fiscale de l’IGR et son poids massif sur les salaires). La prise de conscience de classe sociale moyenne relève du travail des leaders des partis politiques, sinon les partis politiques ne sont pas différents des marabouts modernes.