L’ETAT, L’ENTREPRISE ET LE PATRONAT DANS LE MONDE ARABO-MUSULMAN

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L’ETAT, L’ENTREPRISE ET LE PATRONAT DANS LE MONDE ARABO-MUSULMAN

                           Par :Pr A. FEKKAK
Président de la FMDEA (Fondation Mondiale de la Diversité de l’Europe/Afrique)
Past Professeur de Management (PES) à l’ISCAE et directeur de recherche école Doctorale.
Past Prof-visiting à l’université de Georgetown Washington DC
        Sur le théâtre de la scène économique du Monde arabe,  le développement des trois acteurs institutionnels : « L’Etat, l’entreprise et le patronat » se situe au confluent de deux cultures , diamétralement opposées, sinon différentes : l’une orientale qui puisse sa force et ses résistances dans l’Islam et l’autre occidentale ou les trois acteurs puisent tantôt leur rajeunissement, tantôt leurs ruines.
     Le contact de ces deux cultures, deux systèmes de pensées, n’entraîna pas une adaptation lente et continue, ce fut un heurt dont les conséquences se développent de nos jours. Cette lutte entre ces deux systèmes de valeurs se traduit par des modes de gestion et des et des modes de d’organisation qui ont conditionné, sans doute, étroitement et indélébilement, l’évolution d’une « mentalités » originale et particulière de ces trois acteurs du Maghreb et du monde arabe.
Il n’est pas possible de diriger une structure de l’Etat, de comprendre la logique des entreprises, de saisir les normes de fonctionnement de la mentalité du patronat marocain si l’on n’est pas conscient de l’étroite relation qui existe entre les contraintes socio-culturelles orientales qui dominent les trois acteurs institutionnels et les niveaux de performances qu’ils peuvent atteindre.
L’état, l’entreprise et le patronat réunissent toute une génération de jeunesse, en pleine crise d’adaptation successive qui cherche, sans les trouver, sans y être efficacement aidée, les moyens de réaliser la transmission entre les méthodes de gestion traditionnelle de la navigation à vue qui ne résiste plus à la modernité et la modernisation des décisions rationalisées qui n’est pas qui n’est pas encore la sienne.
Les trois acteurs sont au centre de la plupart des débats nationaux et internationaux et particulièrement au Maroc. Ces débat culturels sur les théories de l’Etat, les théories des organisations et les théories des droits de propriétés, en l’occurrence la séparation entre les patrons de fonction et les patrons de propriété,sont, sans doute, liés à des raisons de conjonctures économiques. Celles-ci ne font que dévoiler les véritables problèmes que pose l’école du « public choix », très largement illustrée par James Buchanan (prix Nobel de l’Economie 1986) et qui se consacre pour une très large part à l’étude des relations entre optimum économique et institutions politiques.
En effet, la structure de trois acteurs institutionnels est si peu « vertébrée » après la décolonisation qu’il est extrêmement difficiles de les rattacher, en termes de structure, à l’un des types socio-logiques, respectivement des institutions (au sens socio-politique) des organisations (au sens socio-économique) et associations à but non-lucratif (au sens socio-technique).
Les trois acteurs sont si peu « ossifiés » qu’il est également difficile de les rattacher respectivement à un pôle d’idéologie politique, à un pôle de développement économique, à un pôle d’une classe sociale, capable de défendre ses intérêts dans une chambre économique ou confédération patronale. Les trois acteurs ne correspondent ni à une structure pyramidale, ni à une structure fonctionnelle, ni à une structure combinée du staff and line, qui caractérise l’articulation générale à la fois des institutions, des organisations et des associations.
Ces notions issues des théories des organisations à la recherche de leur équilibre, sont inapplicables aux trois acteurs dans l’état actuel de leur évolution. En dépit de leur diversité, les recherches consacrées aux théories des organisations ont retenu, jusqu’à la fin des années soixante-dix, les mêmes postulats que la théorie classique de la décision, à savoir la linéarité du processus décisionnel, la liberté et la rationalité du processus décisionnel, la liberté et la rationalité de l’acteur.
Or l’Etat, l’entreprise et le patronat  sont-ils l’expression et le reflet de l’image de la société marocaine ? L’interrogation ne relève pas de la simple curiosité socio-historique. Les trois acteurs porte l’empreinte indélébile de leur enfance et de leur adolescence. Ils subissent l’influence de la pratique ancestrale des institutions culturelles en l’occurrence le makhsinisme, le tribalisme et le maraboutisme.
Marabout, tribu et makhzen : trois réalités sociologiques marocaines inséparables, qui doivent leur profonde originalité au milieu dans lequel elles se développent. Ce milieu qui, cicatrisé par ces trois unités économiques opératoires même si elles essaient de rattraper les sociétés occidentales, ne peut se détacher des barreaux de l’histoire et un mode de raisonnement non prométhéen.
S’il est difficile, méthodologiquement, de séparer le tribalisme du maraboutisme, celui-là ne passe que par l’intermédiaire de l’organisation de celui-ci, L’archaïsme des institutions maraboutique, autant que tribales, a mauvaise presse ; il est employé ici pour qualifier, non pas l’état de la société arabe)musulmane, mais un état d’esprit que l’on appelle la jahiliya (l’ignorance), ce qui équivaut à un complexe émotionnel , à ce qu’on a pu qualifier de raisonnement pré-logique, imperméable à l’expérience, insensible à la contradiction, incapable de distinguer l’objectivité incertaine de la subjectivité certaine.
Ce terme complexe et complexé de jahiliya semble indiquer d’une part une certaine valeur de jugement, et d’autre part un arrêt au stade ancien du développement culturel dans les hérésies païennes, ou les survivances de la pensée primitive transgresse le temps et l’espace de l’histoire. On le retrouve dans la pratique culturelle des institutions, et dans la pratique quotidienne de l’actualité.
Au sens strict du terme, l’archaïsme maraboutique a existé bien avant l’introduction de l’islam, bien que l’action historique du Prophète ait visé à disqualifier le capital symbolique de la jahiliya (l’impensée profane) pour y substituer celui de l’Islam, mais n’a pu l’éliminer, encore moins irradier le mode de raisonnement naturo-mystique. Dans le contexte socio-culturel islamique, la compétition ouverte par le Coran entre « la lumière de l’Islam » et les « ténèbres maraboutique » n’ont jamais cessé de se développer jusqu’à nos jours.
Indépendamment du caractère biologique, la jahilisation de la pensée maraboutique caractérisées par une sorte d’infériorité raciale ou congénitale. Le critère de cette analyse est d’ordre culturel et non racial. D’ailleurs la Grèce antique n’a pas excellé dans le progrès et l’évolution particulière d’une technologie, mais elle a préparé le terrain à la pensée rationnelle remarquable dans ses mutations culturelles.
Or, même dans certaines sociétés dites historiques ou prométhéennes, le traditionalisme, caractérisé par un état d’esprit proto-ethnique, clanique, voire familial ou régional, joue au niveau institutionnel, un rôle relativement non négligeables dans l’évolution des esprits. Il est extrêmement difficile, dites historiques ou prométhéennes, le traditionalisme, caractérisé par un état d’esprit proto-ethnique, clanique, voire familial ou régional, joue au niveau institutionnel, un rôle relativement non négligeable dans l’évolution des esprits.
Il est extrêmement difficile, méthodologiquement, d’isoler le niveau de la société islamique prométhéenne, de la communauté maraboutique a-historique. Un syncrétisme culturel a pu se former dans le pluralisme des réalités historique, bien que l’Islam soit contre le maraboutisme, il en tolère l’existence, faute de faire mieux.
Si le mode de pensée, caractérisant la « jahilisation des marabouts », est inorganisé, subjectif, affectivo-relationnel, le mode de raisonnement des sociétés industrielles est dynamique, évolutif, hiérarchique, et rationnels. La culture populaire et rurale est dominée par le mode de pensée de la pré-logique, et d’une mentalité prés industrielle, propre à la culture environnante des marabouts, elle n’a pas, non plus, disparue, dans la culture urbaine des institutions, des organisations et des associations du monde arabe.
L’une est caractérisées par un mode de pensée naturo-mystique qui s’épanouit, sans contrainte individuelle, l’autre mode de pensée rationnel est d’ordre culturel qui s’épanouit dans un jeu collectif de symboles ; fondements de toute société civilisée. Ces structures sont inconscientes dans l’action collective, mais les sociologues ne peuvent plus les ramener à leurs principes et à leurs institutions de base.
La jahiliya que l’on appelle communément ignorance, signifier plutôt mode de pensée archaïque, caractérisée non par son irréductibilité à la pensée rationnelle, mais par son indistinction entre ce qui est subjectif et certain, de ce qui est objectif et incertain. Elle , qui ne peut être réduite à ses fondements constitutifs,ne nous définit pas la quiddité de la société marocaine, mais nous renseigne sur le mode de raisonnement, pré-logique, prés industriel des institutions, des organisations et associations.
De nombreux historiens ont démontré la Makhzanisation dans le cas du Maghreb des marabouts para-religieux et la maraboutisation du Makhzen du XV siècle. L’Etat-Makhzen ; le développement de l’entre-prise, l’épanouissement d’un patronat rentier sont-ils le reflet de l’image de la société marocaine en stagnation qui n’évolue que par crises successives et à coups de décrets. La vie des institutions, des organisations et des associations s’entoure volontiers de mystère, d’irrationalité, de secret. On n’obtient pas facilement des trois acteurs des renseignements précis, encore moins sur les mécanismes des rouages élémentaires de leurs organo-institutions et de leurs fonctionnements.
Il faut donc s’aventurer sur un terrain mouvant et extrêmement difficile, la gestion des institutions étatiques, des entreprises des organisations et des associations techniques de la profession reposent essentiellement sur des pratiques culturelles, sur des normes plutôt que des règles. Ces normes non écrites qui relèvent du champ culturel dominent les règles qui reposent sur un espace organisationnel. Ces habitus culturels demeurent entièrement coutumiers, les règles de gestion appliquées par nécessités aux trois acteurs ne décrivent qu’une faible partie de la réalité empirique.
Dans une société ou 80% de la population marocaine est illettrée ou semi-illettrée, l’infor-mation verbale ou l’information asymétrique est le premier pouvoir quand elle est de première mais ou les modes de gestion, le sens, les rites, le flair des affaires sont secrets, ou les initiés les dérobent farouchement à la vie des profanes. L’absence de documents, de statistiques faibles sur le fonctionnement des trois acteurs, nous a poussé à chercher, dans une récente étude, des informations empiriques relatives sur le rapport entre les trois acteurs sur la scène économique :
1 / L’Etat dans le monde arabo-muslman
Les définitions de l’Etat sont aussi innombrables que les pointe de vues dont elles sont l’émanation. L’Etat est un complexe, un prisme chatoyant. Pour le Sociologue, il est le lieu où s’exerce la souveraineté où se proclame la légitimité. Il est le cadre naturel de la communauté politique. Le géographe, c’est un territoire, pour l’historien une manière de la nation ou l’intervention de l’Etat contribue à forme l’unité nationale.
Pour l’économie, l’autorité suprême de la planification, pour le technocrate, une gestion budgétaire à caractère public, pour le gestionnaire, une ligne de politique générale , pour le politicien, le lieu de contrôle et le coordination des planifications ou d’orientation général. Pour les classiques marxistes, c’est un appareil spécialisé de répression et de domination de la bourgeoisie… Pour le poète, « L’Etat, c’est le plus froid des monstres, un mastodonte monopolise la force et la force et la violence »
Quelle que soit la définition, aucune n’est à l’abri d’une interrogation épistémologique et fait vite les feux artifices de la critique des universitaires. On peut donc considérer l’Etat comme institution, comme le support d’un pouvoir politique, comme un alibi du pouvoir économique, comme un régulateur et dérégulateur de l’ordre et du mouvement, comme un arbitre ou comme l’expression d’une conscience nationale d’autant plus que l’Etat est une institution complexe qui n’est pas concrète, mais pratique.
L’Etat, c’est une idée abstraite, créée par l’homme pour ne pas obéir aux hommes, pour transcender la volonté individuelle aux hommes qui ont le pouvoir politique. La naissance de l’Etat est un phénomène des temps modernes,né à la fois de la complexité des institutions et de la volonté de dissocier le pouvoir de celui qui l’exerce, ceci pour justifier et expliquer ce phénomène social qui est la politique.
L’islam dans les Constitutions des pays du monde musulman
La naissance de l’Etat est un phénomène des temps modernes, né à la fois de la complexité des institutions et de la volonté de dissocier le pouvoir de celui qui l’exercice, ceci pour justifier et expliquer ce phénomène social qui est la politique.
Les garanties politiques de la loi doivent pour être efficaces, être inhérentes à l’esprit des hommes et à la structure des institutions que ceux-ci ont spontanément constituées.
Toutefois, l’Etat théo-monarchique marocain constituant le cadre institutionnel non laïc dans lequel évoluent les entreprises et le patronat, l’histoire de l’Etat du Maroc se réduit à l’histoire de la personnalisation du pouvoir de droit divin. Il en est de même de l’entreprise, son histoire se réduit à l’histoire personnelle du droit de la propriété du patronat.

En dehors du royaume du Maroc, l’Égypte, la Libye, la Tunisie qui, réécrivent leur Constitution respective en raison de la pression du printemps arabe de 2010/2011, cherchent dans le monde arabo-musulman ‘’quelle place donner à l’islam pour le constitutionnaliser’’, il est intéressant de faire le point sur les formulations actuellement existantes et leurs conséquences pratiques dans les Etats du Monde Arabe.

Dans la quasi-totalité de tous les pays du monde arabo-musulman, sauf le Liban qui est par définition pluriconfessionnel, font référence à l’islam sans détailler, ni l’école, ni l’obédience entre les sunnites ou les chiites dans leur Constitution respective. Toutefois, faut-il faire une dichotomie entre deux grands groupes entre le Moyen-Orient et l’Maghreb : certes, il y a l’islam de l’Ouest comme  religion d’État, c’est le cas des pays du Maghreb. Il y a aussi l’Islam de l’Orient qui, fait de la charia,  la principale source du droit.

L’islam est en plus constitutionnalisé comme « la religion du peuple et de l’État » en Mauritanie et en Algérie. L’État lui-même est ‘’qualifié d’islamique’’ en Afghanistan, en Iran, à Bahreïn, au Pakistan ou au Yémen. Indépendamment de du Liban multiconfessionnel qui ne privilégie aucune Religion d’Etat en particulier, par contre, la Syrie est le seul pays du monde arabe dont la Constitution ne fait pas de l’islam la religion d’État (toutefois, le droit musulman y constitue une source de la législation et le chef de l’État doit être musulman). C’est les paradoxes du Monde Arabo-musulman.

Indépendamment du dehors du monde arabe, c’est aussi le cas de l’Indonésie, de la Gambie, de l’Ouzbékistan, et même du Soudan (le texte voté en 2005 fait référence aux peines corporelles prévues par le Coran). Quant à la Turquie, l’Azerbaïdjan et à quelques États africains comme le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal ou le Tchad, ce sont des États explicitement séculiers. L’Islam dans les Etats de droit et du respect des droits de l’homme  diffèrent d’un pays. Cette carte montrant les statuts constitutionnels de l’Islam en 2009 dans les pays musulmans (dont les Républiques islamiques) : États islamiques déclarés.      Religion d’État islamique affirmée,  États arabo-musulmans fonctionnant en pratique comme un Etat laïc sans faire aucune référence à la Religion dans la production de la loi..  

 La conception terminologique de la notion non vague au sens juridique du terme de République islamiquedans à la fois le Monde Arabe ou le Monde Islamique, (ou les deux Arabo-musulman) désigne un Étatsde  Droit, possédant une Constitutionqui dispose que l’islamest la religion officielle du pays, ou encore d’autres États où le droit musulman s’applique et dont la dénomination officielle comporte la dénomination de République islamiqued’une part. D’autre part, la Constitution française du 3 septembre 1791 qui, est la première expérience dans le monde d’un régime libéral en France, apparaît en période révolutionnaire et institue une monarchie constitutionnelle.

Ce texte qui,est promulgué deux ans après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et les articles de Constitution de 1789, est la première constitution écrite qui transfère la souveraineté du Roi à la Nation. Les prérogatives du roi deviennent les prérogatives de la nation que le Roi exerce au nom de cette dernière. Fondée sur les principes de la souveraineté de la Nation et de la séparation des pouvoirs (ou, l’équilibre des pouvoirs), néanmoins fondée sur le suffrage censitaire et non sur le suffrage universel.

Par contre, une constitution est une loi fondamentale ou un ensemble de principes qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un État ou d’un ensemble d’États qui placent leur souveraineté dans une fédération des Etats ou d’un continent. Son but est la préservation du bien commun par les principes et bénéfices reconnus de la séparation des pouvoirs, pour une justice au plus égalitaire, pour la préservation de la souveraineté nationale incitant aux qualités individuelles d’impartialité des représentants, plus surement, intrinsè-quement évitant par ses règles des conflits d’intérêts et de collusions, limitant, supprimant au mieux nombre des risques de dérives naturels des pouvoirs sans contrôle, sans modérateur, sans contre-pouvoir : totalitarisme, oligarchie, prévarications, influences partisanes, clientélismenépotisme, homonymie,  etc.).

Les articles de cette constitution ont pour trame essentielle les règles de séparation des pouvoirs et de contrôles croisés. Or, certains pays musulmans ne revendiquent pas spécifiquement le caractère islamique de leur Etat, mais appliquent pourtant la charia. D’autres pays musulmans n’utilisent celle-ci que comme simple référence juridique. Enfin certains pays musulmans revendiquent spécifiquement le caractère islamique de leurs État, religion et législation. Ils sont alors qualifiés d’États islamiques.

Les républiques islamiques constituent une partie des États islamiques possesseurs d’une constitution qui institue l’islamcomme religion d’Étatou/et de la nation(du peuple). De nos jours, on peut dénombrer quatre États islamiquesreconnus internationalement en tant que Républiques :

Ces théocraties islamiquespeuvent affirmer législativement l’application intégrale de la charia(loi islamique), la considérant comme supérieure à toute autre loi humaine ou de l’Etat de Droit. Tandis que d’autres républiques islamiques, plaçant les législations islamiquessous tutelle de leur Constitution, n’appliquent la charia qu’en partie plus ou moins variable selon le pays concerné et son histoire passée.

Historiquement, les républiques islamiques qui, ont chacune a une histoire particulière socio-culturelle est spécifique pour acquérir et définir un destin particulier dans le monde arabe et le monde musulman, sont nées naturellement dans des pays musulmans en paix, alors que d’autres sont apparues à la suite d’événements de conflits politiques tragiques pour occuper des territoires. Certaines républiques islamiques ont disparu rapidement, alors que d’autres ont perduré pendant plusieurs dizaines d’années, jusqu’à nos jours. Parmi ces républiques islamiques, on pourrait citer ces exemples historiques :

1/Turkestan: Entre 1933 et 1934, la Première République du Turkestan orientalqui fut rapidement renversé par les militaires chinois, se dénommait République islamique du Turkestan Oriental;

2/Pakistan: En 1973, et à la suite de l’adoption d’une troisième constitution (après celles de 1956 et de 1962), la nouvelle république fédérale se nomme République islamique du Pakistan(constitution actuelle de 1973, amendée en 2012). Il s’agit du premier pays à être devenu une République islamique dans le monde (en 1956).

3/Comores: Créée en 1978, la République fédérale islamique des Comoresest renversée en 2001. Le 23décembre2001, sous direction d’un nouveau régime présidentiel, cette terre d’islam sunnite (à 98 %) formée des îles de Grande-Comore, Anjouan et Mohéli, devient alors Union des Comores;

4// Iran:En 1979, et à la suite du renversement du Shah d’Iranpar la Révolution iranienne, cet ancien État monarchique devient République islamique d’Iran(constitution actuelle de 1979, amendée en 1989);

5/ Mauritanie:Le 20juillet1991, et à la suite de la relance du processus de démocratisation, est adoptée la constitution de la République islamique de Mauritanie(constitution actuelle de 1991, amendée en 2006);

6/Afghanistan:En 1992, à la chute du régime communiste(départ de l’armée soviétique), l’État islamique d’Afghanistana remplacé la République démocratique d’Afghanistande 1990 . En 1996, les talibansont institué l’Émirat islamique d’Afghanistan. En 2004, après l’intervention militaire desUSAet la chute des talibans, le pays est devenu République islamique d’Afghanistan(constitution actuelle de 2004, non-amendée);

7/ Gambie: Déclaration de Yahya Jammehle 13 décembre 2015 décidant que son pays devient un État Islamique. Le Pdt Yahya Jammeh qui, n’a été élu lors des dernières élections, fut obligé après les menaces de garder le pouvoir, fut forcé de quitter le pouvoir par l’Union Africaine pour respecter l’Etat de Droit.

  Dans les études juridiques sur le monde arabe et islamique actuel, le droit constitutionnel reste un terrain à explorer. La réactivation de la justice constitutionnelle dans certains pays arabes a encouragé le renouveau de ce domaine de recherche dont l’accès limité tient aussi dans une certaine mesure à la difficulté d’isoler méthodologiquement ce qui est de l’ordre du juridique, l’ordre du politique et du l’ordre du religieux, de les aborder de façon autonome alors que droit et justice constitutionnels ne se sont réellement ni séparées, mais confondus dans les Etats islamiques par rapport au Monde des Etats arabes actuels.

        Cependant, c’est à travers ce qu’ils révèlent des débats politiques de société sur les changements attendus et espérés pour l’évolution et la modernisation des Etats avec leur temps, plus que par les effets induis des changements politiques, que les débats sur le constitutionnalisme prennent aujourd’hui toute leur importance dans les Etats de droit (Humaine) pour séparer le religieux (impliquant l’interprétation des textes révélés) du Politique (impliquant le modernisme de la Société).

Compte tenu de ces difficultés épistémologiques de première d’ordre qu’il convient à faire face à cette démarche de rapprochement des Etats droits humains (à travers la séparation des pouvoirs), la politique et la religion qui deviennent des instrument de l’Etat de Droit, ne sont pas à l’abri des interrogations du modernisme des sociétés et de la mondialisme des économiques, sans frontière, sans culture, sans image satellitaires télévisuelle avec l’avè-ne ment des nouvelles sociétés en transition numérique, climatiques et énergétiques etc…

       L’histoire du constitutionnalisme dans les pays arabes, Sandra Lavorel, qui insiste sur la première caractéristique : la démocratie du pluralisme politique qu’elle définit comme la coexistence de sources juridiques d’origine différente, principalement la loi et la jurispru dence islamiques (avec une seule vision religieuse), la culture nationale arabe et les apports occidentaux par le biais de l’importation normative, voire les transferts de technologie juridique Napoléonien du Droit civil etc.

       Ce pluralisme démocratique, expose l’autoritarisme des régimes arabes et islamiques en place de se légitimer vis à vis de la société et se légaliser vis à vis de l’Etat de Droit moderne sur un double plan. Ils exposent dirigeants non seulement de régimes politiques caractérisés par le patrimonialisme de l’Etat moderne qui appartient à la société des citoyens (non plus des sujets religieux), mais aussi exposent les leaders de régimes autoritaires à légitimer et légaliser son règne permanente, mise en cause par la modernité des Etats de Droit.

Dans les deux cas de figure dans le Monde Arabo-musulmane, la religion islamique serait non seulement un référent indispensable et la condition sin qua non incontestable de a société, mais aussi favorise la personnalisation d’un pouvoir entre les mains d’un monarque (ou Emir des croyant), à défaut des Présidents élus ou pas, voire des gouvernants respectueux de la loi divine au niveau de l’Etat d’une part.

D’autre part, la loi divine limite la contestation de ce dirigeant et de la société q qui prend argent compte la Loi divine réelle ou fictive. La légitimation de la loi islamique permet de réguler un édifice construit sur des divisions de langue, de culture, d’ethnie ou de religion, sans toutefois lui procurer la véritable stabilité que constitue l’institutionnalisation, laquelle permet l’ancrage d’un État de droit (p. 89).

  C’est cette perspective que de nombres chercheurs essaient  de répondre au processus à la fois de la sécularisation et de la laïcisation des Etats théologique du Monde arabo-musulman au XXe siècle et les réformes engagées dans les décennies récentes. Cependant, l’instrumentalisation par les leaders, gérant les Etats fond religieux avec la démocratie pluraliste- dans l’aire du temps après la décolonisation- comme ressource politique pour les ambitions des élites modernes et occidentalisées, en dehors des oligarchies des rentes de situation religieuse, en vue de donner des gages uniquement à des pays occidentaux qui sont aussi des bailleurs de fonds, n’a pas été jusqu’à leur faire relâcher la pression exercée à l’intérieur contre les opposants de partager le pouvoir par alternance.

 L’ouverture économique des sociétés du Monde arabo-musulman dans les années 1980 qui, était censée baliser les pistes d’envol du pluralisme politique, ne s’est pas produite  dans l’esprit et la culture de l’élite religieuse aujourd’hui, pour une remise en cause dans l’ordre juridique dans les Etats arabo-musulman théologique, voire une remise à l’ordre du jour les constituants des constitutions dans les Etats de Droit sur les fonds desquels s’étaient construits les systèmes du droit public (ou les régimes présidentiels, les régimes parlementaires et les régimes semi-Présidentiels et semi-parlementaires) à partir du début du XIX et XXe siècle.

  Pour illustrer l’évolution historique de ces processus constitutionnels, mise à l’épreuve sur des socles rigides de pouvoir centralisé sans « contrepoids culturel et sans contre-culture de l’opposition» les espoirs et souvent les déceptions que les Constitutions avec cinq ou six versions insatisfaisantes en 60 ans post-indépendance dans le monde arabomusulman ont suscités, notamment dans les périodes de succession (Maroc, Jordanie, Syrie).

 Sandra Lavorel (Directeur de recherche au CNRS) qui, passe en revue les configura tions historiques premières et les changements constitutionnels intervenus dans les différents pays du monde arabe, s’arrête sur quelques cas emblématiques des régies à caractère présidentiel où l’autorité des chefs de l’État éclipsent souvent celle de son premier ministre et a fortiori des ministres, réduits au rôle de simples « secrétaires d’Etat à l’américaine » (p.68).

  Moralité de l’histoire, un choix du pouvoir présidentiel (privilégiant le régime présidentiel comme instrumentalisation les Constitution, les monarchies constitutionnelles dont le dernière exemple fragrant est la Turquie du Pdt d’Erdogan) avec une très grandes personnalisation du pouvoir en  reléguant fréquemment au second plan les assemblées législatives, comme au Maroc où la Chambre des représentants folkloriques et mal élus dont 50% des illettrés sans aucune formation politique académique «est plus consultative que délibérante » (p.71).

        De même, le renouvellement des pratiques électorales (pp. 154 et s.) souvent sous la pression des pays donateurs, Amérique en tête, qu’il s’agisse de référendums constituants (Mauritanie, Djibouti, Bahreïn, Koweït notamment), de scrutins surveillés et manipulés (Egypte, Syrie) ou de l’inauguration de scrutins nationaux et locaux en Arabie saoudite et dans les monarchies du Golfe. Le roi Fayçal d’Arabie saoudite Se demandait en 1966 : ‘’Une Constitution ? Pourquoi faire ? Le Coran est la Constitution la plus vieille et la plus efficace du monde’’, ajoute-il.

Les Constitutions proclamées après l’indépendance des pays de la colonisation ont un l’impact des réformes constitutionnelles sur la révision des codes de la famille : code tunisien de 1956 et surtout la dernière refonte d’une Mudawana marocaine 2000 qui voudrait aider les femmes à rattraper le retard accumulé dans l’usage de leurs droits légitimes. Le cas d’ailleurs du Maroc est symptoma-tique de réformes du droit personnel qui, si elles font écho aux préoccupations de la société civile, n’en sont pas moins octroyées par un monarque jaloux des prérogatives que lui confère sa qualité de l’Emir des croyants (d’amîr al-mouminîn).

Dans chaque cas de figure évoqué, l’impact des changements politiques sur le système constitutionnel est illustré par d’abondantes références aux articles des constitutions mentionnées, par de nombreux exemples, ainsi que par des notes infrapaginales détaillées sur la généalogie des textes visés d’une part. D’autre part, de nombreux aux cas de figures étudiés de façon systématique et précise concernent des mouvements de fond ou des problèmes dont la récurrence dans le monde arabe est manifeste.

Les conséquences sur les systèmes constitutionnels arabes des revendications identitaires en faveur de l’application de la charia islamique sont étudiées à partir de l’exemple égyptien cité par S. Lavorel (ibidem), ‘’véritable paradigme de la question depuis que l’Égypte de Sadate a fait en 1980 de la loi islamique la « source principale de la législation » (art. 2)’’. C’est très bien.

    A ce titre, aujourd’hui, c’est encore mieux après trente-cinq (55) ans de pratique de la Haute Cour Constitutionnelle égyptienne, comment le système a digéré cette contrainte, qualifiée de façon excessive ‘’d’islamisation du système juridique’’ (p. 82 idem), alors qu’il s’agit plus de la réappro-priation de références anciennes par des systèmes sécularisés, dans le langage même du droit positif. Moralité de l’histoire, la recherche de solutions constitutionnelles nouvelles donne davantage une idée de la flexibilité du droit positif en général que d’une ‘’dénaturation du droit islamique’’ (idem p. 101) qui renvoie à une hypothétique fixation d’un Conseil des Oulémas mythiques et mystique, à partir d’un effort l’ijtihâd hermétique’’, lui-même tout aussi hypothétique si l’on en croit les historiens. 

      La question de l’Etat d’urgence, « perversion du constitutionnalisme », qui suspend les quelques droits fondamentaux laborieusement préservés, est également et à juste titre mise en perspective historique à partir des exemples de l’Égypte et de la Syrie, mais aussi du Koweït, de l’Algérie, du Yémen ou de la Mauritanie, de tous les Etats arabes en réalité, au point que ce qui est prévu par les juristes pour être l’exception est devenu la norme. Il suffit de rappeler à cet égard que l’Égypte vit sous l’état d’urgence depuis l’assassinat d’Anwar El-Sadate en 1981, soit depuis 38 ans à ce jour.

L’influence des textes internationaux, exposée dans le chapitre 4, joue sans doute un rôle modérateur face à la dérive que représente l’incapacité de nombre de ces États à garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens (Ibidem S. Lavorel p. 137) et l’intégration politique que laissaient entrevoir les chartes et les constitutions provisoires qu’ils avaient promulguées lors de leur fondation. Cependant, l’absorption de ces textes dans les constitutions, et surtout dans la pratique juridique, se fit le plus souvent dans la lenteur.

Le  livre de S. Lavorel qui, fournit une vue d’ensemble des systèmes constitutionnels arabes actuels et de leur évolution au cours des dernières décennies, traite aussi nombreux cas au demeurant fort utiles, expose toutefois à quelques généralisations, voire approximations qui affaiblissent parfois le sens et l’intention du propos.

Par ailleurs le pluralisme des dents de l’histoire des démocraties qui, est certainement heuristique comme ligne d’approche méthodologique d’analyse, interprète les textes présentés en fonction d’un mode bicéphale, opposant tantôt le libéralisme politique (le constitutionnalisme) au conservatisme  (le traditionalisme)  et Tantôt le modernisme politique qui n’est pas systématiquement expliquée. La Libye et l’Arabie saoudite sont par exemple qualifiés ‘’d’ îlots antilibéraux’’ (ibidem p. 131).

L’on comprend mieux l’autoritarisme foncier de la monarchie wahhabite qui, sans expliquer pour autant pourquoi ce régime recourt à des élections, entreprend de canaliser un droit humain du sanctuaire des législateurs, jusqu’à une période récente, était censé être émis par le simple énoncé de loi islamique, véritable constitution du pays.

Or, le réalisme constitutionnelle est plus complexe qu’une simple opposition entre conservatisme et libéralisme, puisque les textes fondateurs ont intégré le fiqh islamique, les libertés publiques à l’occidentale, le développementalisme des Etats-Nationalistes arabes et le droit issu des institutions internationales, sans oublier l’abondante variété des ressources normatives des droits positifs locaux et régionaux.

L’islam, s’il est légitime de le mentionner comme un élément central de cette construction normative des Constitutions, la trajectoire de l’histoire politique d’un pays ne se résume pas à la seule influence de l’Islam soft ou du salafisme très hard. Les islamistes tentent aujourd’hui de rendre hégémonique leur vision cosmogonique du monde musulman, certes, les exemples pris montrent à quel point cette représentation est concurrencée par les autres échelons idéologiques que sont la culture nationalisme arabe, la culture de chaque région du pays, l’appropriation de normes ‘’occidentales’’, issues de traités internationaux, toutes choses qui déplacent le débat de société sur la légitimité constitutionnelle et la légalité de l’Etat de droit, loin de l’islam univoque.

Aux influences de la culture traditionnelle du monde arabo-musulman, s’ajoutent  l’influen- ce occidentale. Le monde arabe a connu un mouvement constitutionnel au sens moderne du terme à partir du milieu du XIXème siècle avec la promulgation de la constitution tunisienne de 1861 et la constitution ottomane de 1876. Ce mouvement va se renforcer au début du XXe siècle.

Plusieurs constitutions ont été promulguées pendant l’entre deux guerre : la constitution égyptienne de 1923, la constitution libanaise de 1926, la constitution irakienne de 1925 et la constitution syrienne de 1930. Ce mouvement s’acheva dans les autres pays arabes avec la décolonisation. Plus de vingt constitutions écrites ont vu le jour à la fin des années 1980.

La question de la place de la religion en générale et de la religion musulmane en particulier dans le nouveau système constitutionnel établi, n’était pas absente aux yeux des architec- tes du « construit » des Constitutions. Bien qu’elles soient légèrement différentes l’une de l’autre sur plusieurs niveaux, les Constitutions des Etats du monde arabo-musulman sont similaires sur un point essentiel : c’est la référence à la religion musulmane dans le préambule des constitutions : Une disposition presque identique figure dans quasiment tous les textes l’Islam est la religion de l’Etat.

Tous les textes fondamentaux, à l’exception de celui du Liban, se réfèrent explicitement à l’Islam.. Les Etats arabes de l’Est (les pays Moyen- Orientaux) se différencient des Etats Maghrébins par le fait que leurs Constitutions prévoient la normativité de la loi islamique : la loi islamique n’est pas  la source de la législation, c’est le droit positive dans des Etats de droit.

L’analyse interne des structures de l’Etat marocain Laisse prévoir ou supposer les stratégies défensives de faiblesse ou d’adaptation des entreprises dont le patronat reproduit le schéma directeur des méthodes de gestion de l’Etat. L’Etat marocain n’est ni l’émanation d’un parti politique, ni le produit d’une institution à caractère électif.
En effet, le parti politique est un microcosme, un Etat en miniature, en réduction ou tous les pouvoirs de celui-ci : Législatif, exécutif, judicaire, réglementaire, s’exercent sur la communauté partisane. Le parti politique transpose sur le plan étatique, lorsqu’il arrive au pouvoir, par voie démocratique, sa propre structure et ses propres méthodes d management, de gestion et de direction politique.
L’Etat marocain n’est ni la photocopie de l’ex-puissance protectrice, ni le reflet, inspiré du modèle des institutions françaises. En effet, la génération de l’indépendance du Maroc pouvait certes s’attendre à ce que la France , respectueuse des fondements spirituels de la civilisation islamique, implantât au Maroc indépendant, en même temps que les méthodes de gestion à caractère public, des techniques budgétaires, monétaires et productrices, les institutions démocratiques, politiques et sociales qu’elle appliquait chez elle.
Par un paradoxe qui n’est qu’apparent, le patronat marocain évolué, fit des réformes démocratiques la base de ses revendications nationalistes. Alors qu’un Etat démocratique défendait au Maroc, des principes théologiques, qui lui étaient étrangers depuis la séparation de l’Etat de l’Eglise, par contre les héritiers de ces principes, prétendaient assimuler des institutions occidentales en opposition complète avec les influences des institutions orientales.
L’état marocain est un complexe qui a ses propres originalités, un complexe politique, encadré, conditionné par les influences des institutions orientales para-islamiques. L’Islam de l’Etat tolère les marabouts et les confréries para-religieux s’ils ne contredisent pas les tendances communautaires de la religion islamique. Il les maintient souvent dans une tradition réfractaire de la loi islamique, faisant par la élever protestations violentes, nées du désoeuvrement morale et du chômage intellectuel des villes, de l’échec des socialismes musulmans accrochés à la religion, par la volonté souvent contestataires.
Faisant référence aux chercheurs d’autorité scientifique en la matière, on a pu rechercher dans la pensée islamique ce qui s’y trouve d’esprit de capitalisme ou de socialisme. Il n’en demeure pas moins qu’elle est marquée les fulgurantes études d’Ibn Khaldoun, sociologue-histoire pour les uns, économiste pour les autres, dont les analyses de la société maghrébine demeurent si pleines d’intérêts.
L’Islam des Etats arabes est notamment le front politique et le prétexte économique autour duquel s’affrontent les possesseurs et les exclus du pouvoir. Face à l’universalisme occidental, les Etat arabes réactualisent leur patrimoine, surtout quand ils sont en mesure de répondre par un autre universalisme aux valeurs dominante : l’Islam.
La stratégie du défi se révèle d’autant plus efficace que l’occident va de pair avec un essoufflement de la modernité. Aujourd’hui, la croyance dans celle-ci est en crise. De cette « dépression occidentale » profitent surtout les Etats arabes qui offrent, en alternative au modernisme déficient, une culture puisée dans les certitudes de la cité idéale islamique.
La crise paradoxale de l’occident explique, sans doute pour beaucoup, la redécouverte des dimensions du « culturel » une redécouverte semblable à celle que l’on a fait du « politique » des années soixante au moment ou l’on commençait à être sensible à la crise de l’Etat moderne.
Mais aujourd’hui, ce n’est plus seulement l’Etat, serviteur infidèle de la modernité des institutions politiques et du développement économique, qui est en cause, c’est la modernité elle-même. Il convient ici de se garder des réponses hâtives. Les discours de l’Etat sont familiarisé le patronat avec une certaine information socio-politique, les sensibilisent aux problèmes économiques, c’est-à-dire un état d’esprit moderne qui légitime l’économie comme contrainte dominante de l’Etat.
Le nouvel enjeu du libéralisme le plus évident pour l’entreprise marocaine est le rapport de l’Etat à la dérégulation de l’économie. Un débat sur les questions d’ordre économique est un véritable drame parce qu’il ne place pas les acteurs face à face devant une table de négociation, il oppose l’Etat à l’entreprise, le libéralisme au protectionnisme, le secteur public au secteur privé, le dilettantisme de l’entreprise marocaine au dynamisme économique de l’Etat, la régulation et le pari de déréglementation, auquel il faut ajouter la défense des intérêts de forces possédantes (patronat de propriété) opposées aux forces dirigeantes (patronat de fonction).
Aux influences des institutions « orientales » de l’Etat théo-marocain s’ajoutent les influences des institutions « occidentales » qui, perverties, sans doute, par le colonialisme, introduisent, malgré lui, au Maroc, les notions de liberté publiques (déclaration des droits de l’homme et du citoyen), les institutions à caractères électif (les chambres de commerce et d’Industrie. Les associations, les organisations politiques et syndicales).
La leçon qu’il faut retenir de cet affrontement institutionnel est une leçon d’une nouvelle société marocaine aux valeurs éclatées pour la génération d’après l’indépendance du pays, évoluant inéluctablement et irréversiblement vers un genre, un style et un type de société occidentale.
Cette situation de transition actuelle nous conduit naturellement aux problèmes, presque impossible, que constituent le développement de l’entreprise marocaine, si peu fragile, et peu ossifiée, si peu vertébrée pour affronter la déréglementation économique ou celle-ci peut puise tantôt son rajeunissement, tantôt elle est asymptote à la ruine. C’est à ce titre que l’Etat du Maroc, depuis l’indépendance du pays à nos jours fut le premier moteur et pôle de développement, le premier entrepreneur, le premier décideur, le premier acteur économique. L’Etat a le don d’ubiquité dans tous les acteurs stratégiques de développement.
C’est dans ce contexte sociologique que s’opèrent les contradictions économiques depuis 1956 ou bourgeonnent des plans quinquennaux, triennaux .aujourd’hui les planifications délaissent les plans au profit des orientations générales de l’état. C’est dans le contexte des crises successives que l’on peut saisir, avec le recul, à la fois la marocanisation 1973 et la réglementation et à la fois la démarocanisation 1987 et la déréglementation de la scène économique dont le second acteur est l’entreprise.
2* L’entreprise :
L’entreprise, qui est à l’image de l’Etat, est au centre de la plupart des débats nationaux et internationaux d’ordre économique et politique et particulièrement au Maroc proche de l’occident. Ces débats sur l’entreprise sont sans doute liées à des raisons de conjonctures économique, celle-ci ne font que dévoiler les véritables problèmes que pose l’entreprise marocaine au terme d’une évolution que l’on va évoquer à la lumière du nouvel enjeu du libéralisme déréglementé.
Que l’entreprise au Maroc, soit publique ou privée, son destin est public dans tous les cas de figures, parce que les marchés les plus intéressants sont ceux de l’Etat. Mais celui-ci non seulement n’est pas solvable, mais surtout il est retardataire dans le paiement de ses dettes et pour cause, tous les secteurs économiques sont exonérés d’impôt : L’agriculture, le BTP, la pèche, l’artisanat, IMME, les entreprises exportatrices, les créateurs d’entreprise et que sais-je ?
En mettant l’accent sur les aspects de la marocanisation de 1973, jusqu’alors partiellement compensés ou masqués par les aspects positifs de la croissance du secteur public des années 60 à 70, considérés comme un pôle de développement de la dynamique de l’économie, l’Etat, dans ce schéma directeur, est le moteur, sinon le catalyseur du capitalisme d’Etat.
Or la crise économique actuelle a contribué à poser le débat politique de la démarocanisation, en 1983, en termes socio-culturels, vu l’absence de cadres compétents, plutôt qu’en termes économiques. La crise du système économique remet en cause le rôle et la fonction de l’entreprise marocaine, voire sa nature : les grandes entreprises résistent, les plus ou les moins bien gérées. Jusqu’alors sauvées par la croissance, disparaissent ou sont au bord de la faillite.
Au niveau du système productif, on a attendu la remise en marche du mécanisme « naturel » tout au moins dans le cas ou cette crise économique n’est considérée que comme un des résultats d’un désordre temporaire, que celui provoqué par les problèmes monétaires internationaux ou l’augmentation (ou la chute) brutale, des prix de l’énergie. Cette économique, toutefois, souligne :
1 / Les difficultés de l’entreprise marocaine à faire face à une croissance ralentie ou nulle.
2 / Les conséquences d’une mondialisation de la commercialité des échanges et des complémentarités économique de l’entreprise marocaine.
Il est évident que la croissance économique ne pouvait éternellement être considérée comme une norme fondamentale de l’entreprise marocaine rentière protégée par l’Etat.
Le plus grave défaut des économistes et de s’enfermer dans leur discipline. Car l’économie n’est pas indépendante du contexte culturel d’une société. La crise dont nous ne sortons pas trouve peut être sa véritable explication dans la crise des idées ou des valeurs sur lesquelles nous vivons depuis l’indépendance du pays.
Or, aujourd’hui l’enjeu économique bouge, et le plus grand risque pour l’entreprise marocaine est de prendre le risque de ne pas bouger dans le nouvel enjeu de la dérégulation économique. De ce point de vue, on est naturellement conduit à s’interroger sur l’existence des stratégies complexes dont les enjeux ont réactivé et élargi le domaine de la compétitivité et les performances qui débordent la limite des revendications des régimes d’exonération et rendent les structures des entreprises fragiles et inadaptées dans leur propre environnement économique.
En effet, les contraintes externes de l’environnement, qui ne sont pas économique, ne sont que des variables supposées manoeuvrables pour l’entreprise occidentale. Or ces variables supposées pour l’entreprise marocaine contribuent au contraire à définir paradoxalement des logiques irrationnelles s’opposent au bon sens et à la rationalité du libéralisme économique.
Cela veut-il dire que si l’entreprise doit se conformer à la législation du pays, aux pratiques culturelles en vigueur, aux tuyaux, aux ficelles, mafias de chaque profession au Maroc, aux participations aux fêtes nationales, aux participations de solidarité nationale, etc, elle doit soit les rejeter et fermer ses portes, soit elle doit culturellement les intégrer, les transformer en ses propres normes qu’elle diffuse dans le marché et la société.
Ce double mouvement placé l’entreprise marocaine au centre d’un décalage permanent entre l’Etat et les pratiques culturelles qu’elle subit, mais aussi qu’elle produit. Il reflète le niveau de pouvoir d’autonomie que l’entreprise détient par rapport à l’Etat, aux concurrents, partenaires sociaux et consommateurs.
Moins ce pouvoir d’autonomie est élevé, plus l’entreprise est passive et subit la pression de la réalité sociale, plus elle devient une entreprise organisation et développe des stratégies de domination économique. Plus ce pouvoir d’autonomie, de décision est élevé, plus l’entreprise est activée et impose ses propres normes sur le marché, plus elle devient une entreprise-institution capable de développer des stratégies politiques de négociation.
L’entreprise marocaine, qui recouvre une diversité de variables culturelles, politiques et économiques, ne peut se laisser enfermer dans un seul et unique modèle explicatif de sa situation actuelle. Toutefois, les stratégies des grandes entreprises les plus « évoluées » s’imposeront comme modèle aux petites entreprises plus « attachées ». Les uns et les autres ne subissent pas les mêmes contraintes, ne disposent pas des mêmes pouvoirs, mais se définissent par leurs inter-relations par rapport aux nouvelles orientations économiques de l’Etat.
Face à ces multiples contraintes, la tentation devient grande de les gérer, voire de les maîtriser plutôt que les subir, de substituer des stratégies de négociation politique aux stratégies d’adaptation de faiblesse, de privilégier des stratégies offensives par rapport aux stratégies défensives.
Les stratégies de négociation politique des prix du marché conduisent les entreprises marocaines à privilégier la rationalité des modèles de décision, à imposer la réalité des prix dans un langage plus économique, mais en tenant compte des contraintes socio-politiques de l’environnement du marché.
A cet égard, l’entreprise qui, en tant qu’espace de négociation, de concertation, souvent de marchandage, qui est un trait culturel de la culture, a concentré un pouvoir de domination économique, influence son environnement socio-culturel. L’entreprise marocaine est devenu de fait une unité politique.
Au furet à mesure que ces processus de négociation s’institutionnalisent enjeux stratégiques, dans le nouvel enjeu de déréglementation de l’économie, deviennent soit d’ordre économique, soit d’ordre politique et remettent en question,dans tous les cas de figures, en même temps la centralisation des décisions politiques de l’Etat. Si elle est logique avec elle-même, l’entreprise marocaine ne peut demander une concertation, voire un dialogue démocratique avec l’Etat, et les refuser pour ses ressources humaines.
La présence simultanée de ces deux stratégies internes et externes, en général difficile à distinguer, s’exprime à l’image de la société marocaine bicéphalisées, à travers l’existence d’une entreprise- Janus à double visage. L’identification des stratégies d’ordre économique, ou politique nous amène à nous interroger pour savoir si elles sont organisationnelles ou institutionnelles ?
Si l’activité de « l’entreprise-organisation » est déterminée par les contraintes externes de l’environnement, l’entreprise marocaine adopte une stratégie économique d’adaptation défensive et de faiblesse et se présente à la table de négociation comme une organisation économique ayant un caractère purement instrumental.
Si par contre l’activité de « l’entreprise-institution » est conditionnée par le dynamisme de la motivation des ressources humaines, en dépit des contraintes externes de l’environnement, l’entreprise adopte une stratégie offensive et se présente à la table de négociation comme une institution ayant le caractère d’une unité politique. L’une des stratégies est en général dominante par rapport à l’autre en fonction de deux variables.
1 / En période de croissance économique : peut – on assurer que dans l’entreprise-organisation, le caractère instrumental d’ordre économique est plus dominant, l’entreprise privilégie la compression de charge et coût, tout en restant passive par rapport aux contraintes externes de l’environnement ?
2 / En période de crise économique : Par contre, le caractère politique de l’entreprise-institution émerge dans un environnement instable, l’entreprise privilégie les stratégies de négociation de type politique tout en restant active dans l’environnement.
Ces deux types de stratégies s’opposent-ils ou se supposent-ils avec les deux concepts de l’entreprise-organisation ou institution ? En effet, au Maroc, la distinction entre la grande entreprise et la petite entreprise familiale, PME , PMI, n’a pas de sens juridique réel, ces unités de production trouvent leur racines moins dans un phénomène de taille (qui ne représente d’ailleurs que la conséquence possible) que dans un phénomène de pouvoir de l’information asymétrique et de la propriété des actions qui contrôlent cinq ou six holding trust marocains.
Une étude que nous avons menée de longue date, et une enquête sur 287 entreprises confirme une dizaine de groupes industriels et financiers proto-ethnique dont cinq sont particulièrement dominants sur l’agora économique, contrôlant chacun deux banques : ONA, COGESPAR, SAFARI, SOPAR, et Tarik MOUMOU, et un groupe de société de participa- tion et de gestion de l’Etat (CDG, SNI, et ODI) travaillant avec les quatre banques de l’Etat.
Ces Holding ne peuvent être approchés et analysées que par une « esquisse d’une théorie politique des entreprises institutions », considérant l’entreprise comme un système politique que contrôlent les forces possédantes proto-ethniques.
Cette approche nous permet de saisir les mécanismes de fonctionnement qui assurent les rouages financiers de ces groupes industriels privés. L’organisation tentaculaires de leur surface financière constitue-t-elle véritables pôles financiers dans la mesure ou ils tissent et intègrent les trois cycles / circuits dans le même Holding :
1 * Un cycle / circuit de monnaie et de finance
2 * Un cycle / circuit de marchandises / services
3 * Un cycle / circuit de production.
La centralisation de la gestion et de la concentration des pouvoirs au niveau des holdings permettent de faciliter les flux des capitaux au niveau des vases communicants et de la transparence fiscale, donnent l’impression d’une sénégambisation des rapports des micro-Etats financiers .
Le facteur de motivation politique influence très fortement le visage stratégique adopté par ces groupes financiers qui contrôlent, à travers 287 entreprises, et 10 banques, 80% du chiffre d’affaires de portefeuilles en valeur comptable de L’Etat (source du ministère de l’industrie et du commerce du Maroc.)
La loi de Pareto est-elle vérifiable ? 20% d’entreprises marocaines font 80 % du chiffre du portefeuille de participation de la CDG, SNI. Peut-on dans ce cas parler de création d’entre prises au Maroc ? Les jeux sont faits, Dieu pour tous et chacun pour soi. Par ailleurs, pour les petites entreprises, familiales et artisanales, les théories des organisations classiques s’avèrent parfaitement inadéquates et inadaptables. L’esquisse par contre d’une « théorie culturelle des entreprises organisations » nous permettrait-elle de saisir le fonctionnement instrumental de la petite entreprise dans une typologie générale ?
La petite entreprise, pour prendre une image métaphorique, est comme un albatros, la grande envergure de sa surface portante permet à l’oiseau des mers  »une remarquable finesse aéronautique pour employer une expression de la mécanique des vols, mais ses ailes géantes l’empêchent de marcher », dirait Baudelaire.
Que faut-il faire pour que d’une part, la grande entreprise sorte de sa situation de tente financière ou viagère, et que d’autre part la petite entreprise sorte de ces barreaux culturels et de sa force de résistance au changement ? L’histoire de l’entreprise marocaine, telle qu’elle ressort de cette étude, semble d’avantage d’histoire de certains secteurs que l’on appelle les dirigeants du patronat du Monde Arabe.
3 / Le patronat du Monde arabe
Il n’y a pas de mauvaises entreprises, il n’y qu’un mauvais patronat. Le mode de gestion ne commande. Cependant pas les moyens que l’entreprise se définit pour déterminer ses objectifs et ses stratégies à long terme. Ces moyens se définissent par le patronat.
Le patronat est définit couramment comme celui qui dirige, assure des responsabilités, prend des risques dans l’industrie, fixe des objectifs en fonction des disponibilités humaines et matérielles, met en place une structure organisationnelle adéquate, évalue les ressour ces humaines, contrôle le suivi des stratégies, démystifie la gestion à vue par une gestion prévisionnelle et dés-angoisse le futur par des planifications.
Or, le patronat marocain est d’esprit agro paysan cultivateur, fondamentalement d’esprit terrien, de famille tribale et clanique, voire sectaire. Le patronat n’est pas une « institution » totalement indépendant de la culture de la société civile, il est même l’expression de la cité des Hommes. Il constitue un palier de la réalité sociale, de telle sorte que les groupes sociaux (familles poly endogamiques, tribus, ethnies) ne s’expriment , dans les villes, qu’a travers des entreprises qui peuvent être fortement structurées, sans être à proprement parler organises, parce que l’aspect culturel l’emporte de loin sur l’aspect organisationnel.
Sous l’effet de la crise, le « politique » s’efface devant « l’économie ». En effet, de nombreux fonctionnaires notamment des caïds, pachas, gouverneurs qui ont profité de la marocanisation du 1973 du secteur privé, pour demander leur retraite anticipée, on été remerciées de leur précieuse collaboration, se sont transformées, avec l’accident de l’histoire économique de ce pays, en petit patrons de propriété, dans les entreprises, transposant leur méthode de gestion à caractère public qu’ils ont apprise empiriquement le tas dans l’administration centrale, aux entreprises de secteur privé.
L’aspect structurel de l’entreprise marocaine, telle qu’il a été conditionné à la foi par la marocanisation et l’environnement socio-culturel dans lequel elle s’est développée, fait toutefois du patronat caidal une réalité originale au niveau des modes de gestion, de direction, d’animation managériale.
L’analyse empirique interne du « management caidal » du patronat marocain confirme ce que l’examen externe de l’Etat et l’entreprise laissait déjà prévoir. Il ne faut pas s’attendre à découvrir, dans le patronat marocain, une structure complexe et perfectionnée. Il naquit hier en 1973, est en période « d’adolescence »aujourd’hui.
Le temps est venu pour dire, adieu la sécurité de la marocanisation et la protection du marché marocain, bonjour le risque et la dérégulation de l’économie et surtout de rompre avec les clichés qui opposent Etat à l’entreprise, la gestion publique à la gestion privée, bureaucratie au dynamisme, la modernisme à l’archaïsme, flexibilité à la rigidité, sécurité au risque…
Le Maroc ne traverse pas seulement une crise économique, il est aussi le théâtre de très profondes mutations, les échanges internationaux se sont intensément développés, l’écono mie mondiale connaît des évolutions et des défis qui changent les manières de penser, voire, de percevoir, le réel évolution des idées, des stratégies de longues portées, l’écono mie réelle est mondiale, la réalité politique est nationale, le patronat marocain regarde avec des yeux d’adolescent, pour employer une expression métaphorique, que la terre est plate, l’Etat l’aperçoit ronde. L’Etat dans le monde Arabe n’est plus une « assurance tous risques » pour le patronat arabe-musulman.
De même, il y a des défis technologiques qui effectuent les modes de production et les modes de vie, l’entreprise artisanale cède la place aux techniques plus sophistiquées. Il y a une mondialisa- tion de l’économie avec une forte augmentation des échanges entraînant une extrême mobilité des actifs développement pantagruélique des sociétés de service, délocalisation des économies d’échelle avec une nouvelle redistribution des cartes du jeu, dématérialisation de l’économie avec la baisse depuis 1983 des matières premières suite à la montée des matériaux de synthèse et composite d’où allégement des produits, le défi des ambitions légitimes des dirigeants de fonction non propriétaires des postes de responsabilités motivantes et un standing de vie international.
Les modes de vie que le Monde Arabe traditionnel a légué, aux nouvelles générations, s’effacent derrière de nouveaux styles de vie. Aucun domaine de la vie du Monde arabo-musulman n’échappe à ce mouvement d’ensemble. A la fois politique, économique, culturelles, sociales, technologiques, idéologiques, religieuses, urbaines et rurales, toutes les mutations, en cours présentent un caractère global et multiforme. Tous ces changements sociaux conduisent à une décentralisation des décisions de l’état à la dérégulation de l’économie, à la dérégulation des institutions politiques, à la dérégulation du marché, des dirigeants de fonction.
A l’épicentre de ces mutations se place l’entreprise. Elle en est l’une des causes et elle en est le reflet. La mutation de l’entreprise répond à la mutation de la société marocaine, c’est à l’esprit d’entreprise du patronat que l’on doit l’émergence des techniques nouvelles. La diffusion très large de biens nouveaux constitue un phénomène culturel de très grande ampleur. Si les modes de gestion de l’entreprise et le mode de vie des employés ont changé, les valeurs culturelles et le style de direction patronal qui l’anime, n’ont pas changé. Le modèle traditionnel fait figure d’archaïsme.
La société arabe-musulmane est en train de prendre conscience des exigences radicales de sa modernité. Se priver des certitudes traditionnelles et des croyances religieuses, c’est se jeter dans une aventure indéfinie et inquiétante. Supprimer les fondements islamiques de la vie sociale, c’est soit essayer de vivre et de penser sans garanties futures, soit chercher de nouvelles religions modernes, sans transcendance, telles que marocanisations/ démocratisation, protectionnisme, libéralisme, régulation /dérégulation de l’économie, autoritarisme / démocratie.
Le reflux de ces « religions horizontales », pour employer une expression de A. Camus, a laissé un vide que la modernité, a comblé, par la croissance de la consommation urbaine et la transformation des modes de vie. Mais ce qu’on appelle la crise, en arrêtant ce progrès, suscite des interrogations fondamentales. Le capitalisme, le socialisme, le libéralisme, le protectionnisme et la nouvelle croyance de la dérégulation économique des organisations et des institutions circulent de la même façon dans le monde entier en détruisent-ils les cultures identitaires étatiques particulières.
Les philosophies économiques ont leurs propres lois. La dérégulation économique passe par la dérégulation politique et sociale. La modernité confondue avec technicité et occidentalité, apparaît moins comme une période de l’histoire, définit qu’une idée régulatrice, une culture, un état d’esprit qui s’impose au Maroc. Le principe générateur du dynamisme de la modernité, c’est que rien n’est sacré. La modernité ne s’arrête pas. Elle perce le mystère de la nature et de la culture.
Jusqu’alors, les civilisations traditionnelles qui se réclament des textes révélés par Dieu, ou par des légendes héroïques, ou des tabous, donnent une philosophie des modèles, des normes et des valeurs culturelles, définissent leur identité, pratiquent une sorte d’auto-mutilation culturelle. Le modernisme n’a pas de discours fondateur : c’est la raison pour laquelle il est difficile d’en définir les limites.
La modernité c’est le mouvement plus l’incertitude, écrit Georges Balandier. L’imaginaire est mis en œuvre par l’un, et par l’autre. Il y perd une parti de ses principes fondateurs, dans le temps et dans l’espace. La modernité est une drogue. Elle pénètre de force la culture et la nature. Elle au centre de toute organisation, institution ou association.
Elle pose des problèmes moraux, sociaux, et surtout politiques ; car la démocratie, qui a maîtrisé la politique, cherche ensuite à discipliner l’économie. Après avoir intégré la vie sociale à un ordre rationnel elle ne progressera qu’en étendent la maîtrise de l’enjeu culturel, à tous les points de repère de la société.
La culture arabe-muslmane a finalement trouvé dans l’entreprise un centre de la vie écono- mique, une source d’un renouvellement qui va du Maroc agricole au Maroc industriel. L’entreprise marocaine s’adapte difficilement à son environnement économique, technologi- que et social sans compter son environnement institutionnels et politique ? Elle est sans doute, aussi, le plus extraordinaire phénomène culturel de la modernité.
En occident, l’idéologie se déplace vers l’entreprise, montée en épingle, valorisée par les professionnels de la communication, externe et interne, qui perçoivent d’en haut un véritable créneau prometteur et promoteur.
Dans le monde Arabo-musulman, l’entreprise constitue peut-être un fond politique ou un prétexte économique de maximisation de profits pour un patronat qui se révèle aujourd’hui incapable d’avoir une vision lointaine et en stratégie de longue portée, la dérégulation économique imposée par l’Etat est aussi le symptôme d’une profonde inquiétude d’un patronat marocain bicéphalisé, pour des raisons d’une commodité typologie, en un petit patronat cloisonné, autocratique dans les formes archaïques du despotisme oriental, bastion du conservatisme social, et le grand patronat, anonyme, absent des Chambres de Commerce et d’industrie, voire Confédération économique, mais présent aux tables de négociation pour discuter les stratégies politiques des orientations générales de l’économie.
1 / Le petit patronat des PME/PMI :
Le petit patronat est né du commerce de gros, des petites entreprises artisanales et com- merciales, et de spéculation immobilière, avec sans doute le vieux fond rural du marabou- tisme qui sommeille en tous les Arabo-muss. L’esprit patrimonial est l’une des caractéristi- ques du petit patronat au niveau économique, organisationnel et une autorité de type caidal. S’il s’est investi dans la petite et moyenne industrie, il a ignoré l’investissement culturel.
L’esprit patrimonial, l’esprit de la spéculation, avec une prédominance stratégique de la valeur de la terre au détriment de l’industrie. A buriner des cicatrices profondes dans la mentalité prélogique du petit patronat, ce monde culturel de petits entrepreneurs, plus proche de la terre et de la spéculation immobilière rurale, que des fabriques, des usines industrielles et des unités de service ou de loisir.
Le patronat marocain perd 80% de son temps à s’adapter plutôt qu’a innover, à résoudre les faux problèmes de la trésorerie en dents de scie plutôt que de gérer les budgets prévisionnels, à naviguer à vu qu’a rationaliser la gestion, à résoudre les contraintes et résistances culturelles du passé qu’a gérer le futur.
Le poids historique de la culture arabo-musulmane, donne au patronat le prétexte d’inven- ter les causes dans le passé au lieu de les chercher dans le réel. Ce patrimoine culturel oriental qui aussi profite du modernisme occidental, repose sur la défense culturelle, l’illustration de la foi, le tout plus au moins artificiellement plaquer sur une communauté maraboutique rurale en stagnation, sans laisser altérer ses traits culturels fondamentaux.
Or la technologie de pointe pour les entreprises occidentales est un passeport pour la société post-industriel. Le petit patronat par contre est prisonnier dans le temps et dans l’espace de ces propres barreaux culturels, à la fin incapable de pouvoir désangoisser son futur par des planifications, incapable de rattraper le peloton des entreprises industrielles avancées, pour esquiver sa mort symbolique devant l’écart ou le décalage culturel à vitesse exponentielle : il ne lui reste que les stratégies d’adaptation défensive de faiblesse.
L’adaptation salvatrice ou salutaire veut dire tantôt rattraper un retard culturel, avec le rajeunissement des structures, tantôt un décalage technique asymptote à la disparition de l’entreprise. Le retard culturel s’identifier aux stratégies d’adaptation défensive et peut être rattrapé par la formation permanente des ressources humaines de l’entreprise.
Ces antagonismes culturel et technologique, qui existent dans beaucoup de petite entrepri- se marocaine, sont l’héritage d’une intériorisation inconsciente d’une élite d’un petit patro- nat à mentalité prélogique et prérationnelle, notamment dans son mode de pouvoir dans des entreprises qui soumettent les ressources humaines à son double rapport de subordi- nation occidentale et orientale : le rapport moderne de domination capitaliste (entrepre- neurs / salariés) et le rapport traditionnel de domination patrimoniale (maître / esclave).
La gestion des entreprises est une technique de répartition du pouvoir dans un espace organisé. Le pouvoir en tant qu’élément d’exercice du management (management veut dire,dans l’esprit de la culture anglo-saxonne : organisation, gestion et direction d’une entreprise), peut être pris dans cette analyse comme un concept sociologique du fonction- nement du mode de production capitaliste, socialiste ou asiatique , au mieux comme un mode de fonctionnement de l’articulation générale de l’entreprise marocaine dont le pôle culturel de gestion est caractérisé par une horloge biologique interne à l’heure orientale.
L’association du christianisme, en l’occurrence l’éthique protestante, et de l’esprit capitali-ste, on produit une forme particulière d’organisation pyramidale notamment colbertiste, identifiable à la structure hiérarchique cléricale de l’Eglise. L’organisation se conforme à l’idéalité du chef, du pouvoir de son autorité, qu’elle soit charismatique, bureaucratique, ou traditionnelle, pour employer les expressions conceptuelles du sociologue max Weber.
La répartition du pouvoir est fonction des qualités, individuelles et exceptionnelles, du leader. L’analyse systémique nous a démontré d’ailleurs que le système capitaliste circule de la même façon avec ses propres lois, avec le même schéma structurel, au niveau des institutions étatiques, des organisations économiques et des associations desprofessionnels des pays occidentaux, bien que le capitalisme dur sinon pur, et du marché concurrentiel agressif mais juste, n’existe nulle part.
Toutefois, le colbertisme de la France, qui a marqué indélébilement et particulièrement ses ex-colonies (ou ex-protectorats), le libéralisme et la dérégulation économique se font avec mesure et au compte-gouttes. Or le management de l’entreprise marocaine trouve ses racines historiques dans l’institution tribo-familiale musulmane, organisée, sous la forme polyendogamique, alors que dans le monde chrétien l’institution familiale nucléaire est organisée sous la forme mono-exogamique.
Tout mode d’organisation correspond relativement à un mode de production familiale. L’ordre établi dans la gestion traditionnelle à vue de l’économie ruro- familiale, se trouve impso-facto, dans le schéma d’organisation de l’entreprise marocaine. Le patron entre- preneur est à la fois chef de famille, à polyendogamique et chef de l’entreprise traditionnelle, à l’image de l’organisation tribale.
Ce type de management caidal qui gère, dirige, surveille, anime, contrôle, etc… ses doubles structures, indépendantes mais en réalité confondues dans l’entreprise, identifie l’ordre chronologique des naissances dans la famille tribo-poly-endogamique, va déterminer la position hiérarchique des héritiers dans l’entreprise privée. Le fils aîné se comporte déjà comme un « bon père de famille », légitimant le vide de l’organisation familiale qui lui sert comme un moyen de preuve, un tremplin pour l’exercice du pouvoir de commandement et d’autorité dans l’entreprise caidale.
Si la nature tribo-familiale marocaine se juxtapose, sinon se superpose à la nature juridique des sociétés anonymes fictives qui n’ont que le nom, c’est très bien. Mais si le management de l’entreprise caidale privée se renforce par la compétence, et la performance économique des héritiers, c’est encore mieux.
Or la gestion caidale, caractérisée dans une entreprise rentière, dont la stratégie est d’ordre économique plutôt que politique, se transforme en un trône d’assurance, un lieu de subjectivité certaine, un lieu de navigation à vu, un lieu hiérarchique d’admiration, un lieu d’autorité et de pouvoir ou les chefs héritiers, du haut de leur entreprise-organisation, gratifient sanctionnent, protègent, excluent, intègrent, discriminent ou différencient leurs employés-esclaves, leurs dirigeants de fonction comme bob leur semble et au gré de leur humeur.
Le degré de consanguinité et d’affection, autant que la proximité et la distance par rapport à l’état-major tribo-familiale de l’entreprise est fonction de la flatterie, du silence, de la sou mission, ou de la disponibilité mentale des collaborateurs. Dans ce mode, modèle ou modé-lisation caidale dans l’entreprise du secteur privé, la sédition du personnel s’organise autour du dévouement au patron honorifique propriétaire de l’entreprise, se traduit par la séduction du leadership, par la formation inévitable des clans proto-ethniques autour de lui.
Cette situation caidale se traduit par une gestion infernale caractérisée par des conflits intestinaux des ressources humaines dans l’entreprise, favorise la stratégie des rumeurs, des décharges d’agressivité, la jalousie maladive, les potins de village, de concierges, de chaouches, et des chauffeurs, auqueles il faut ajouter la stratégie de l’information anonyme, les « on dit » (gallou) et les « on a entendu » (smaâna).
Ce mode de gestion à la caidale porte in generis les germes de sa propre destruction énergétique, d’où la démarocanisation et la dérégulation après une expérience de 10 ans de dysfonctionnement, de résistance culturelle, asymptote à la disparition de ce système économique de rentiers, par ce que le plus proche conseiller du patron-caid, propriétaire, est ce lui qui rapporte et moucharde le mieux, dans cette atmosphère de souffre ou le silence glacial des uns est trop parlant, et ou un mot de plus des autres rentiers du festin est suicidaire pour la carrière professionnelle d’un dirigeant non propriétaire.
Il est certain que de nombreux cadres dirigeants se retrouvent dans cette réalité sociologique et culturelle orientale, dont ils pourront étudier dans quelque année les effets de la marocanisation de 1973 à 1983 dans les archives de la mémoire collective marocaine, bien que l’archéologie de cette pratique culturelle se situe dans les stratégies matrimoniales d’ordre économique.
La famille islamique polyendogamique devient un volcan social pour les héritiers dès l’annonce de la mort du père entrepreneur, fondateur des petites entreprises. Les conflits insolubles d’héritage, de la légitimité, de rivalités, d’intrigues, étouffés dans les ruses familiales, des stratégies de coulisses entre les femmes mères, les femmes maîtresses, les femmes stériles, les femmes répudiées, entre les frères légitimes, les frères naturels, les demi-frères, les frères par alliance et les quarts de patron sanguine, se manifestent au grand jour.
L’esquisse d’une théorie culturelle des entreprises organisation peut démontre (mais nous n’avons pas le temps matériel de le démontrer), que si le petit patronat adopte des stratégies d’ordre économique par contre, le grand patronat anonyme adopte des stratégies de négociation politique. C’est ce que nous allons essayer de démontrer avec l’esquisse d’une théorie politique des entreprises-institutions.
2 / Le grand patronat des Grands comptes :
Si le pouvoir du petit patronat marocain est « un et indivisible, un petit côté corsaire et franc-tireur domine les stratégies d’ordre économique des entreprise-organisation, le grand patron anonyme, et invisible dans les chambres de commerce et d’industrie et les confédé-rations économique n’a pas le bâton de Maréchal dans les stratégies de négociation de type politique et clientélisme.
Au Maroc à titre d’illustration, Les organigrammes des cinq (5) groupes industriels et financiers font songer davantage à une forêt touffue qu’a un jardin taillé à la française. Le système de clientélisme, de négociation, de concertation, souvent le marchandage oriental sont en même temps une nécessité fonctionnelle et surtout culturelles de la civilisation entre les groupes financiers et de l’Etat, ce qui justifie l’intérêt de l’analyse d’un grand patronat proto-ethniques au niveau des groupes industriels et financiers.
Le rôle historique de l’Etat à la veille de l’indépendance avait pour but de favoriser la tâche à la bourgeoisie urbaine naissance en charge l’infrastructure du pays et la gestion du secteur public pour contrecarrer. Les velléités subversives du caidalisme rural qui a tenté de prendre le pouvoir de l’Etat avec l’aide de la France. L’antipode des deux forces d’opposition devient l’antidote mutuel. C’est ainsi qu’a pris corps, le cercle vicieux de la protection devenant un cercle vertueux qui entretient le feu de la protection sous la marmite, vide de l’initiative privée. L’état, gérant un secteur public risqué a du coup, engendré le développement d’un type de patronat qui ne prend le risque que sous la garantie et l’assistance de l’aide publique.
Cette stratégie à double tranchant est certainement à l’origine du début de la marocanisation en 1973 des groupes industriels et financiers, dirigée par des hauts fonctionnaires de la fonction publique, spécialisés, d’accaparer les marchés publics et les commandes de l’Etat. Face à ces « marchés de la loyauté » le petit patronat est hors jeu alors qu’il devrait être le premier bénéficiaire.
L’ignorance des enjeux politiques est à la mesure de la connaissance quasi entomologique des détails des marchés et du clientélisme de l’administration. La logique de la commercia- lité et de la combativité importe peu pour ces acteurs reconvertis de la haute fonction publique d’autant moins préparés que leur dirigisme centralisateur de la gestion à caractère public ne leur à donné que l’expérience du contrôle et de la maîtrise des grands marchés public.
L’esprit d’entreprise ne date pas d’aujourd’hui. Tout le système productif et le système éducatif est affecté et infecté de dirigeants qui confondent clients et administrées, risque et esprit anti-industriel, sécurité comportement anti-managérial et l’esprit de la fonction publique de la fonction du secteur privé. Le dirigeant, la discipline, la hiérarchie, l’exécution que les dirigeants dans les groupes industriels exigent de leurs collaborateurs immédiats, ils sont aussi disponibles à les reproduire, sans commentaire, en face de leur patron.
Pour couronner leur trajet professionnel, reste une valorisation de leur carrière après l’aventure dans la fonction publique, l’aventure politique est discrédité, les dirigeants n’ont plus que le souhait, parce que tout le monde croit au Maroc, à l’entreprise, comme centre de vie économique, de prendre un bain d’expérience dans le privé pour boucler la boucle.
Doit-on s’étonner que face à la crise économique, à la paupérisation de l’Etat, inhibé par les services de la dette et un déficit à la limite du supportable, les budgets sont condamnés à la famine, les crédits de fonctionnement rationnés, les embauches arrêtées, l’investisse- ment réduit, et que les forces possédantes, des groupes industriels autant que leurs forces dirigeantes n’aient pas la maturité des entrepreneurs, préfèrent prendre la bureaucratie de l’Etat, les charges sociale et fiscales comme bouc émissaire ?
L’accumulation de la richesse des années de l’Etat a-t-elle- pu cacher, durant quelque années les conséquences de la dérégulation politique, de la dérégulation économique et la dérégulation des marchés des dirigeants ? Le grand patronat est incapable de répéter et de former les dirigeants dont il a besoin. L’absence de sélection, de compétition pour les postes de dirigeants en herbe est presque hermétique. Seuls sont les dirigeants les plus désignés, appartenant aux familles possédantes ou issus de la haute fonction publique formée à l’extérieur du champ de bataille.
Ils sont brillante parce qu’ils sont nourris au lait des analyses industrielles et financières des portefeuilles, mais les groupes industriels n’ont pas encore produit des entrepreneurs à l’image de Lee Iacocca, PDG de chryaler aux USA d’un Bernard tapie en France, d’un Carlo de Benedetti, patron de Olivetti, en Italie ou d’un Silvio Beluseoni, tous porteurs de nombreux projets réactions, de ventes et reprises des entreprises.
Il y a probablement des talents exceptionnels dont il est absurde de se priver, encore faut-il mettre en place des outils d’appréciations pour repérer les « oiseaux rares », et « déréguler le marché des dirigeants dauphins ». La culture ethnique dans des groupes industriels y est si forte qu’il est non seulement impossible de parachuter de jeunes dauphins formés à l’extérieur de leur marmite culturelle, mais aussi il est pratiquement difficile de créer sa propre entreprise au beau milieu du marigot des grandes crocodiles au royaume de la finance.
Les cinq groupes industriels de la finasserie financière, ce sont aussi les forces rentières de la tranquillité des marchés protégés, avec le goût des stratégies d’adaptation défensive plus que des stratégies de domination offensive. Les Holding marocains sont des entreprises-institutions, tantôt frileuses, tantôt audacieuses, faites de subtils montages financiers ou, l’équilibre industriel relève plus d’un espace politique négocié que des résultats des décisions rationnelles sont d’autant plus complexe que l’environnement évolue.
Clientélisme, relation contractuelle, culture ethnique et régionale, voir idéologique, auxquels il faut ajouter une variable de couleurs politiques, comptent peut-être plus pour le grand patronat anonyme comme palliatif à l’ébranlement des valeurs de référence, pour réduire la complexité de l’environnement et répondre aux espoirs des sectes ethniques que sa participation à l’intérêt général.
Par un paradoxe qui n’est qu’apparent , l’Etat, dans ses plans ou ses orientations générales de la politique économique fait incite par des cotes des investissements, de tourisme, maritime, d’artisanat, d’exportation, d’assurances, des ruines, de création d’entreprise d’IMME, par la démarocanisation des structures industrielles, par la dérégulation de l’économie, par la dérégulation du marché des dirigeants pour non seulement compenser la défaillance du patronat de propriété qui n’est pas encore en mesure de prendre entièrement le relais du secteur public mais aussi une ouverture de l’économie pour développer la coopération, le transfert de la technologie. Alors que le grand patronat marocain défend la conception des entreprises-institutions ressemblent et rassemblant des sectes ethniques et régionales.
A la différence des entreprises occidentales et à la ressemblance paradoxale des entreprises japonaises, au lieu de laisser à l’instance politique du pays la fonction philosophique et idéologique pour consolider l’unité des aspirations des citoyens marocains et la réalisation d’un patriotisme politique, le grand patronat comble par un régionalisme économique les attentes des citoyens déçus à la fois par les structures parlementaires et la participation de la société civile.
Hier à l’indépendance du pays, le patronat s’accordait à reconnaître que la régionalisme ethnique s’arrête aux portes des entreprises organisations dont les stratégies de domina-tion sont d’ordre économique, aujourd’hui, après 30 ans d’indépendance, la citoyenneté règne au sein des entreprises-institutions qui constituent les groupes industriels et financiers dont les stratégies de domination sont d’ordre d’un espace de négociation de type politique.
Dès l’indépendance 1956, le patronat s’accapare les holding français de fait, en changeant symboliquement les noms de nombreuses entreprises coloniales, la constitution d’un grand patronat marocain reste fidèle au principe rural communautaires plus qu’au principe urbains sociétaire, la marocanisation de 1973, ancre profondément cette culture ethnique d’entreprise en rectifiant et ajustant les frontières sectorielles, industrielles et financière des quatre ou cinq groupes industriels.
L’équilibre est plus politique que rational, les stratégies, les stratégies d’investissement sont les mêmes, les groupes industriels ne prennent que des participation majoritaires dans les conseils d’administration, dans 80% des cas les groupes industriels sont les principaux actionnaires financiers. Chaque participation est soigneusement sélectionnée selon 5 critères :
1/ rentabilité immédiate et à court terme
2/ le rendement (les groupes n’investissent que dans des sociétés en croissance, mais évitent les canards boiteux)
3/ les opportunités futures d’investissement dans d’autres secteurs économique.
4/ le degré d’influence stratégique du groupe de monopoliser les secteurs agro-alimentaires ou de production de masse.
5/ le levier mathématique des retombées financières dans le groupe industriel pro ethnique.
Les groupes financiers possèdent des stratégies d’un développement capital-sécurité. Si les traditions de la spéculation sont sauvegardées, le grand patronat a-t-il l’esprit d’entreprise et d’entreprenariat, pour développer les capitaux-risques ? Très peu mobile et flexible sur les terrains économiques aventureux ou risqués, le grand patronat anonyme n’apparaît jamais en première ligne.
Il semble que les analyses industrielles et stratégiques du grand patronat anonyme ne seront pas identiques. La finance traditionnelle demeure chasse gardée. Les groupes industriels restent fermés aux stratégies de communication externe, bien qu’autoritaires et agressifs sur les marchés. S’ils s’opposent parfois aux états-majors des dirigeants non propriétaires issus de la haute fonction publique, ils n’en conservent pas moins de sérieux handicaps : trop petits pour les économies d’échelles, trop régionalistes, trop proto-ethnique, trop hétérogènes pour constituer une classe sociale d’affairistes ou une alliance d’intérêts d’une bourgeoisie urbaine.
Sur ces faiblesses défensives, les analystes et les consommateurs les attendent au tournant au libéralisme économique. Le grand patronat est il devenu suffisamment puissant depuis la marocanisation des capitaux et des ressources humaines, dirigeantes, pour entraver la stratégie de négociation des autres groupes industriels et financiers, n’est-il pas assez fort pour imposer leur corporatisme proto-ethnique monopoliste. ?
A la veille des grandes manœuvre de l’enjeu du libéralisme, la dérégulation, l’économie et la dérégulation du marché des dirigeants, provoquent des appétits économiques voraces les plus divers au niveau des groupes d’industriels fratricides. L’ensemble n’est pas à l’abri des interrogations politiques et économiques, et de rectification de nouvelles frontières industrielles et financières. De même le libéralisme économique n’est pas à l’abri du libéralisme politique souhaité. L’Etat (force d’arbitrage et garante de l’unité) face aux groupes industriels et financiers, L’ex-ONA devenu SNI (force d’équilibre).
L’Etat face aux groupes industriels ethniques du Monde Arabe
l’Exemple du Maroc et du Maghreb est significatif : Face au groupe fassi (force dominante), issu des familles makhzéniennes et commerçantes, qui forment l’élite financière, face au groupe soussi (force possédante) qui forme une élite industrielle, face au groupe des Badaouis (force de référence biodégradable) qui gardienne des traditions islamiques et paraligieuses joue un rôle des intellectuels traditionnels dans la force d’arbitrage et d’équilibre, doit, si on transpose relativement les analyses de Gramsci, être absorbé ou marginalisé dans la dérégulation politique.
Le groupe des Badaouis (force dirigeante et contestataire) génération d’intellectuels de l’indépen dance du pays, née dans les grandes villes anti-régionalistes et anti-ethniques, produit des nouvelles stratégies matrimoniales, notamment monogamiques et exogami- ques, que l’on assimile aux dirigeants de la haute fonction publique, a été l’instrument de la marocanisation de 1973 qui a eu les faveurs de l’Etat, cherchant en lui une force d’appoint.
Au quatuor industriel de choc de l’économie marocaine, il faut ajouter un cinquième groupe de mousquetaires, juifs ou israélites marocains, fidèles à la devise « chacun pour soi, et Dieu pour tous » et « pour vivre heureux vivons cachées » à l’ombre des grandes tables et des grandes maisons. Cette élite de la finasserie financière, si important que soit le mouvement et la physionomie de ses bilans, ne participe que secondairement aux stratégies politiques et économique du pays.
CONCLUSION
L’analyse industrielle et les stratégies financières confirment, à quelques différences quasi- entomologiques des détails, ce que l’examen de l’esquisse d’une théorie politique des entreprises-institutions et l’esquisse d’une théorie culturelle de l’entreprise-organisation laisse déjà prévoir, la stratégie de trois secteurs marocains à l’épreuve de la modernité
Les modes, modèles occidentaux, japonais, californiens ou saturniens, n’ont pas encore été assimilés, sinon digérés, par le patronat, signe non d’une contradiction irréductible entre les normes traditionnelles de la navigation à vu et les règles de gestion moderne, mais d’une insuffisante maturité, voire d’un décalage ou retard culturel du patronat marocain.
Les règles de gestion et de management en principe obligent et contraignent. Par contre, les normes de la navigation à vu orientent et informent uniquement. Si les règles de management sont une contrainte pour l’entreprise moderne, les normes sont seulement un critère pour les entreprises traditionnelles.
Le non-respect des normes de la gestion, dans une organisation artisanale, n’encourt pas les mêmes sanctionne que le non-respect des règles de gestion dans une entreprise. Au non-respect des règles de gestion correspondent des sanctions précises, alors que le non-respect des normes de travail tradition- nelles peut entraîner ou non des rejets de la communauté des travailleurs, sinon des associations patronales.
Si l’illégalité se définit par un comportement en dehors des règles de gestion classique, la marginalité se définit par un comportement en dehors des normes de travail dans l’entreprise. Les règles de gestion et les normes traditionnelles de travail ont des lieux sociologiques d’apparition différents, ils n’obéissent ni à la logique ni à la même rationalité. Les règles de management se définissent dans un espace organisationnel et juridictionnel, alors que les normes de la gestion à vue se définissent dans un champ institutionnel et culturel.
L’histoire culturelle des trois secteurs : l’Etat, l’entreprise et le patronat, conditionne indélébilement les perspectives futures du Maroc, autant que le passé explique le présent. La pratique culturelle se renouvelle, produit des relations et de nouvelles frontières économiques et sociologiques imprévues. Le principe générateur de ces pratiques se défie sous l’effet des exigences politiques, et des opportunités de l’environnement, économique et social sans toucher au code culturel.
Les pratiques culturelles passent par la pratique des normes de génération en génération, sans passer par leur explication mystérieuse, mais par l’acquisition des habitudes traditionnelles. Si les trois (3) acteurs sont responsables de la logique de leurs acteurs, ils ne sont pas propriétaires du code culturel.
Si l’archaïsme domine les pratiques organisationnelles et culturelles des trois acteurs, ils n’en présentent pas moins la volonté de la modernité des structures qui entend rompre avec les normes de gestion de la navigation à vue, pour y substituer les techniques de gestion et d’organisation considérées comme un signe d’évolution technologique.
Cette étude, qui semble plus proche de la pratique, de la gestion de la réalité marocaine que des théories des organisations du réel, risque de déconcerter les trois acteurs marocains qui réfléchissent sur la pratique des normes culturelles sans les pratiquer, et ceux qui les pratiquent sans avoir eu l’opportunité d’y réfléchir.
Cette analyse structurelle et stratégique ne semble pas toujours d’une rigueur suffisante et satisfaisante. C’est que l’effort intellectuel a été porté avant tout pour décrire les trois acteurs « l’Etat, l’entreprise et le patronat marocain » à l’épreuve de la dérégulation économique et de la dérégulation du marché des dirigeants non propriétaires tels qu’ils sont, sans prétendre découvrir les mécanismes complexes des organisations qui en sont d’ailleurs dépourvus.
Publié il y a 8th October 2009 par 
[1]Lavorel Sabine, Les Constitutions arabes et l’islam. Les enjeux du pluralisme juridique, Presses de l’Université du Québec, 2005, 202 p.

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